Comme je l'ai dit dans le post précédent, j'ai abandonné ce blog pas moins d'une décennie. Pourquoi revenir ? Surement car j'ai gagné en maturité et sagesse, et que j'ai acquis des savoirs sur la nature de la vie et la vie spirituelle de la nature.
Je partage avec vous un conte que j'ai écrit aujourd'hui après une méditation avec l'esprit d'un arbre. J'espère qu'il vous plaira !
Le souffle du printemps
C'est l'histoire d'une bohémienne qui vivait près d'un champ de blé. Des gens de la ville ayant jugé sa condition misérable, décidèrent de la conduire à la ville pour qu'elle soit leur domestique. Innocente comme elle était, elle ne pouvait protester contre les lois des villes.
La bohémienne s'affairait au ménage et à la cuisine. Son tempérament doux et obéissant plût à la maîtresse de maison qui voulut l'instruire en chrétienneté.
"Etrange dieu, se disait la servante, qui prêche l'amour et qui ne parle jamais des femmes, sauf pour les jours de remontrances." Aussi faisait-elle sa prière sans conviction. Les forêts, les fleurs sauvages, le chant des oiseaux, comme tout cela lui manquait ! Quand elle avait fini ses tâches, elle devait rester dans sa petite chambre sous les combles. Aussi eut-elle l'idée de demander des travaux de jardinage. "La brave fille" se dit le maître de maison qui lui donna son autorisation. Enfin la bohémienne retrouva le sourir à s'affairer dans ce coin de nature.
Un jour de printemps, elle lessiva tous les sols de la maison, et le soleil déclinait déjà quand elle sortit au jardin. Elle arrosait les fleurs, mais son dos fatigué lui faisait mal. Il y avait dans le jardin un arbre centenaire, un noyer imposant. La bohémienne s'assit au pied de l'arbre alors que le jour prenait les couleurs du crépuscule. Puis se laissant bercer par le souffle du vent, elle s'endormit. Elle rêva... elle rêva des mains d'un amant passant sur son corps comme un sculpteur cherchant dans la glaise des formes interdites. Puis les mains devinrent brûlantes. Le coeur de la bohémienne s'affola et elle se rêveilla. Une sensation de fièvre déplaisante se substitua à sa tendre rêverie. De grosse gouttes de sueur coulaient sur son front. La bohémienne se hâta de regagner sa mansarde, emportant avec elle son secret.
Quelques jours passèrent Celle qui était maintenant une servante devint négligente dans ses tâches.
"Quelle mélancolie l'a donc atteinte ?" se demandait la maîtresse de maison. "Devrions nous la montrer au prêtre ?" s'enquit-elle auprès de son mari. Il répondit : "Si cela persiste, nous ferons d'abord venir un médecin".
La bohémienne, quant à elle, décida de sortir aux les dernières lueurs du jour pour retourner au pied de son arbre. Elle emmena avec elle des biscuits qu'elle avait cuisinés et le fond d'une bouteille de vin chapardée aux cuisines. Elle apportait ceci car elle s'était mis en tête qu'un esprit habitait l'arbre et que ces quelque offrandes saurait le rendre amical. Elle s'assit contre le tronc du noyer. Elle attendit, puis s'endormit alors que la pleine lune se levait dans le ciel nocturne.
Au matin, elle crut d'abord qu'il ne s'était rien passé. Puis elle remarqua qu'il ne restait plus des gâteaux que des miettes. Et la bouteille de vin était vide. La servante s'apprêtait à revenir dans la maison de ses maîtres avec l'air pincé d'une fille déçue... quand tout à coup une voix grave, une voix d'homme, résonna dans sa tête. Elle frémit. C'était une puissante injonction : "Reviens demain". Saisie de peur, la femme rentra au logis.
Ce jour là, elle s'activa avec zèle de toutes ses corvées. Cela eut pour effet d'apaiser les craintes de la maîtresse de maison. Le landemain passa encore plus vite pour la bohémienne. Dan son coeur se mêlait la crainte et le désir. Elle sortit à la nuit tombée, munie d'une lanterne. Arrivée devant l'arbre, elle fut saisie d'étonnement et manqua de lâcher sa lanterne. Il n'y avait pas un homme au pied de l'arbre, non. Il y avait une statue, et sa beauté était de loin supérieure à tous les visages d'homme que la servante bohémienne avait vu jusqu'alors.
"Ô que la vie est cruelle ! pleura la femme. Mon amant est un songe, et son corps est fait de pierre". Elle s'agenouilla, des larmes ruisselaient sur ses joues. Puis elle commença à fredonner entre deux sanglots des chants de sa Bohème natale. Elle chantait comme pour l'âme d'un défunt, ou pour un amour déçu. Elle s'endormit là, dans l'herbe humide, blottie auprès de la statue.
L'aube la rêveilla et elle se dépêcha d'aller laver les casseroles. La journée lui sembla d'une tristesse infinie. Puis voyant le soir arriver, elle ne put résister et se rendit au jardin voir la statue. La bohémienne esquissa un sourir car elle le trouva encore plus beau qu'avant, à l'allure fière, avec un plus bel attribut. Alors elle décida de dormir de nouveau au pied de la statue, car la présence de cet homme de pierre la consolait d'avantage que les versets des livres de prières.
Tôt le matin, aux premières lueurs de l'aube, le souffle glacial du vent la rêveilla. Quand elle vit qui se tenait devant elle, elle se souvint de la caresse de ses mains... L'ange du Feu était là, vêtu d'une toge sombre, mais le visage éclatant de lumière comme un soleil. L'ange la prit dans ses bras et la bohémienne sentit toute sa tristesse disparaître. Puis dans une étreinte puissante, l'âme de la bohémienne, guidée par l'ange, s'éleva jusqu'au Ciel !